J’expérimente depuis 5 ans de réaliser des chantiers gratuitement, sur base d’un don. Pourquoi?
L’amour est un don, et l’amour est la source la plus importante du bonheur. Tout dans la nature est un don gratuit, pas même un troc. Donc, faire un don est en harmonie avec les lois d’amour de Dieu et devrait en principe procurer de la joie et de l’harmonie pour moi, mes clients et par contagion notre entourage. C’est ce que j’expérimente. Je pense que c’est une pratique intéressante à plusieurs titres :
- Chez l’artisan : elle le confronte à son (manque d’) estime de soi, à ses peurs de manquer et de mourir, à ses addictions envers l’argent, sa cupidité, vénalité et avarice ou manque de générosité quand les actes sont tous pesés par rapport à ce qu’on va y gagner. Ce que nous attirons reflète notre condition de paix ou de peur intérieure.
- Chez le client: cela entraîne une prise de conscience, une sorte de réflexion intime pour celui/celle qui reçoit : comment recevoir un don sans se sentir redevable? Comment réaliser son rêve sans peur de manquer d’argent et faire confiance à l’abondance, que notre désir est pur? Comment exprimer sa gratitude ou pas? Quelle est la valeur d’un cadeau que je reçois?
- Dans la relation: cela aide à créer du lien de qualité. On sort de la spirale vénale infernale du: « je te paye, donc j’ai tous les droits, fais ton boulot et tais-toi. Le reste, je ne veux pas savoir, débrouille-toi ». On explore de nouvelles avenues: « comment faire le plus beau cadeau possible à mon client? Et pour le client, qu’est-ce qui me plaît vraiment et qu’est-ce que cela implique dans sa réalisation? Comment bien exprimer ma gratitude pour ce que j’ai reçu? Comment faire le plus beau cadeau possible à l’artisan, selon mon désir et de mes moyens? »
Dans le cadre de mes chantiers privés Terpaille&Co chez les particuliers, je souhaite cultiver et engager, autant que possible, le principe du don. On décide toujours ensemble, moi et le client, si on engage ce processus. Les valeurs communes sont le désir de nourrir des relations humaines de confiance, bienveillantes et la foi dans le processus. J’ai découvert que c’est un processus qui me faire grandir, de donne confiance en mes moyens et en la générosité et l’abondance de l’univers. Et mes clients semblent apprécier aussi.
Comment cela se passe-t-il ?
Je donne mon temps gratuitement, partage volontiers mon savoir-faire avec les personnes dans la mesure où l’amour est au centre de la transaction. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Avant le début du chantier :
- La sécurité : c’est ma priorité n° 1, la sécurité du chantier pour moi-même, les autres artisans et aidants, et les passants par des équipements de protection collectifs et individuels. La location d’équipement de protection collective, tel un échafaudage est à charge du client. L’aménagement pratique et sécuritaire de l’accès au chantier, et de la zone de travail sur le chantier (remblai des tranchées, pose de concassé, …), est aussi la responsabilité du client.
- La propreté : avant le début du chantier, j’encourage le client à protéger tout ce qui pourrait être souillé pendant mon travail (risques de projections, d’éclats, de frottements etc…), et le cas échéant, je mets le client en garde contre les risques restant possibles liés à un défaut de protection générale. Je m’engage à protéger personnellement au maximum les objets et environs du chantier pour ne pas les salir ou abîmer. Cela fera gagner de l’argent et du temps de nettoyage en fin de chantier. Les consommables de protection sont à charge du client (bâches, films, scotch, etc). Si le chantier est bien protégé, je gagne du temps de travail.
- Relation de confiance : c’est essentiel pour moi. C’est la base de la joie d’un travail bien fait. Je suis à l’écoute des besoins et désirs du client, et je tente de les appliquer. Le client exprime ses goûts et envies techniques et esthétiques, et dans ce cadre, je fais des propositions, et je recommande les meilleures options techniques parmi lesquelles le client fait son choix. Je suis totalement transparent sur mes choix techniques, pratiques, et je partage volontiers la raison de mes choix et décisions. Je partage aussi mes sentiments par rapport au chantier, et j’ai le désir d’entendre le client partager les siens. La relation, mes ressentis et ceux du client sont aussi importants, et à prendre en compte. Je m’engage à assumer la responsabilité de mes émotions. Je cherche à ne pas les projeter sur le client, même si je suis frustré ou stressé.
- Les matériaux : soit le client dispose déjà des matériaux (à éviter si possible), soit il achète les matériaux que je lui recommande et les met à ma disposition sur le chantier, soit, j’achète moi-même les matériaux au nom de mon client qui me règle à l’avance ou me rembourse sur base de la facture/ticket de caisse.
- Devis : En général je travaille sans devis et fournis ensuite un décompte détaillé de mes heures réellement prestées. Je peux donner une estimation du coût des matériaux, et du temps de travail. Cependant, elle est juste indicative et non contractuelle, à moins qu’il en soit décidé autrement. Comme je fais presque chaque fois des travaux « sur mesure » personnalisés, j’ai remarqué que beaucoup de travaux sont beaucoup plus longs que prévu, certaine tâches sont en plus, et d’autre vont plus vites. Ni moi, ni mes clients ne sont tenus par un devis avec des travaux supplémentaires surprises comme c’est souvent le cas, c’est la réalisation des désirs dans une coopération bienveillante qui prime.
- Indemnité de déplacement et de séjour : avant le début du chantier, je conviens avec le client d’un montant forfaitaire pour couvrir mes frais de séjour si je loge sur place. Généralement, je ne compte pas mon temps de déplacement, juste les frais de déplacements facturés aux barèmes kilométriques légaux en vigueur.
Pendant le chantier :
- Sécurité : cela reste le plus important pour moi et pour les autres. Outils et matériels conformes et sécurisés, travail dans des conditions sécuritaires. J’interromps le chantier, et mets en place de solutions, dès qu’il y a un risque d’accident.
- Qualité : le travail beau, propre, solide, utile et bien fait est mon objectif.
- Efficacité, sans précipitation : je travaille le plus efficacement possible. Dans ce cadre, je privilégie la qualité et le plaisir du travail bien fait. J’évite au maximum de travailler dans l’urgence. Je tâche de ne pas me précipiter ou me presser, mais de privilégier le travail bien fait une fois pour toute. Même sous la pression. Cela arrive souvent sur les chantiers du bâtiment, et je ne le cautionne pas. Être pressé conduit à faire des erreurs, du travail bâclé, à occasionner des accidents, et à détruire le plaisir du travail bien fait, et la qualité des relations.
- Horaires de travail : j’établis mes horaires de travail selon mes priorités dans le respect de mes engagements, de mon bien-être physique et des exigences du chantier en coopération avec les autres corps de métier intervenant.
- Humilité : Je reconnais que j’apprends toujours de mes chantiers, que je ne connais pas tout, qu’il y a souvent de nombreuses options techniques. Je prends la meilleure option que je pense sur le moment, mais je peux me tromper ou améliorer la technique, et faire un choix différent plus tard.
- Responsabilité : j’assume la responsabilité de mes choix et erreurs. S’il faut que je corrige, améliore, ou recommence, quelque chose, je m’engage à le faire. Si je n’en ai pas les moyens, le temps ou l’argent, je m’engage à faire tout ce qui est dans mon pouvoir pour trouver une solution qui convienne au client en assumant ma responsabilité personnelle au mieux de mes possibilités. Je n’ai pas de garantie décennale pour le moment, d’abord parce que c’est très rare dans mon domaine, mais aussi parce que cela m’obligerait à travailler beaucoup plus, avec des tarifs fixes plus élevés. En conséquence, je n’accepte que les chantiers que j’ai confiance de mener à bonnes fins sans problèmes.
- Décompte des travaux réalisés: à la fin du chantier, ou en fin de mois si le chantier est plus long, je communique au client un relevé détaillé des tâches et heures prestées. Le client décide ensuite s’il souhaite me faire un don, libre, à son appréciation. Il y a 3 cas de figure :
- Le client est heureux du travail réalisé et souhaite me faire un don. Notre relation est excellente, construite pour durer. Je ressens son sentiment de gratitude et satisfaction pour le travail que j’ai fait pour lui.
- Le client ne fait pas de don, ou il me fait un don sans vraiment en avoir envie (par peur, culpabilité, sens d’être obligé, ou peu importe). Dans ce cas, je déciderai si je souhaite continuer ou arrêter le chantier, selon ce qui me semble un choix aimant, au cas pas cas.
- Le client n’est pas satisfait de mon travail (hypothétiquement car cela ne m’est encore jamais arrivé). Peu importe s’il me fait un don ou pas, soit nous trouvons une solution gagnante pour tout le monde en refilant le chantier à un collègue, soit j’arrête simplement le chantier.
Engagement de bonne fin :
L’avantage de la pratique du don est que, non seulement le client me choisit pour ma façon unique de travailler de manière humaine et personnalisée, mais en plus, je choisis moi-même mes clients ne m’engageant que si je le sens bien.
En conséquence, si je suis amené à interrompre ou arrêter le chantier, peu importe la raison, professionnelle ou personnelle, je m’engage à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour trouver un collègue pour le terminer, et à collaborer et communiquer toutes les informations nécessaires pour qu’il se termine bien et dans les meilleurs délais.
Facturation :
A la fin de chaque mois, je remets au client une facture incluant la somme des dons reçus pendant le mois pour les heures prestées, ainsi que le montant des déplacements. Les matériaux sont remboursés séparément sur base des factures/tickets de caisse.
Pour information, sur le montant facturé déclaré, environ 22% servent à payer les charges sociales, professionnelles et les impôts. Ensuite, il y a les frais de véhicule et d’outils et équipements professionnels. L’artisan auto-entrepreneur a une protection sociale minimum, sans revenu garanti en cas d’accident ou de maladie et sans droit au chômage. Payer une protection sociale complémentaire est donc nécessaire.
Comment déterminer le juste don ?
Mettez-vous à la place de l’autre, imaginez ce que vous aimeriez recevoir si vous étiez artisan.
Réfléchissez à la valeur du temps, si vous pensez que la valeur du temps de chaque personne est la même ou pas. Combien vaut une heure de votre temps. Traitez-vous tout le monde de manière égale ? Valez-vous plus, moins ou la même chose que les autres.
Essayez d’être généreux, ou de donner un minimum, et ressentez en votre cœur ce qui vous semble le plus juste.
Écoutez votre cœur et votre conscience. Utiliser cette opportunité pour développer votre sens de l’amour et du don de ce qui est juste selon vous.
Juste pour vous donner une indication, si vous avez vraiment peu de moyen mais appréciez mon travail, 120 à 150€ par jour (15 à 20€ par heure de travail) me permet de continuer mon activité, si c’est de temps en temps. Sinon, 200 à 250€ par jour (25 à 30€ par heure) est un montant qui me permet de vivre et développer mon activité et engager mes passions. Certaines personnes sont plus généreuses et me donnent 35 ou 40 € par heure. Si c’est pour un chantier participatif, plus complexe à préparer et gérer, c’est plutôt 250€ à 300€ par jour.